BIENVENUE A LEOGANE, HAITI
Le journal d'un chirurgien à la suite du séisme de 2010

Ce blog se lit chronologiquement de haut en bas.
Certaines images sont suceptibles de choquer la sensibilité des lecteurs.




10 février 2010

Premier réel jour de travail à l'hôpital de Léogâne. La veille au soir nous avons effectué la visite quotidienne des patients hospitalisés, et plusieurs indications opératoires ont été retenues. Il s'agit de greffes de peau, ainsi que d'une amputation ouverte (cuisse basse), reprise d'une amputation jambe haute qui s'était infectée.
















Au programme opératoire du jour, ce sont encore rajoutés une césarienne en urgence sur pré-éclampsie qui a donné naissance à des jumeaux, ainsi que de nombreux débridements de plaie et autres traitements conservateurs de fractures. Quasiment toutes les blessures, que ce soient les plaies ou les fractures, datent du séisme. Certaines blessures ont déjà été prises en charge en urgence, parfois de manière inadéquate, et nécessitent un complément de traitement ou une reprise chirurgicale.

Les patients hospitalisés présentent des fractures et des plaies importantes dues au séisme. La moitié de ces patients présentent donc des traumatismes de l'appareil locomoteur, et je compte parmi eux une vingtaine de fractures du fémur en traction. Une tente entière de patients sont en traction, nous avons appelé cette unité le "Traction Ward".

La journée opératoire débute vers 8h et finit en général vers 18h-19h. Nous effectuons la visite des patients hospitalisés vers 18h et, après avoir réglé les problèmes du quotidien, nous planifions nos interventions du lendemain. Les journées se terminent avec le repas du soir en compagnie des autres expats aux alentours de 20h-22h. Les réunions du soir sont des moments privilégiés, ils nous permettent de nous détendre et d'organiser nos lendemains, ainsi que d'échanger nos expériences mutuelles avec les autres membres du camp qui effectuent leur mission au quotidien souvent à l'extérieur de l'hôpital (cliniques mobiles, distributions, expéditions et aide à la population).
















Une dizaine de véhicules sont à notre disposition en cas de besoin. Les sorties sont étroitement surveillés en raison des risques que courent les expatriés en dehors du camp (kidnapping, vol etc...).

Je me rend compte de la charge et des conditions de travail sur place. Bien que nous disposons du matériel de base de chirurgie, nous manquons toutefois de matériel simple comme des scies à plâtre, des moteurs pour la mise en place des fiches de fixateurs externes, d'agrafeuses à peau pour les greffes, etc... Nous ne disposons pas de radiologie, et la seule infrastructure permettant d'effectuer des radiographies dans le périmètre se situe à 10 minutes de voiture, dans l'hôpital militaire canadien de Léogâne.

Nous traitons une trentaine de cas par jour dans notre bloc opératoire. Les cas les plus simples (débridements, plâtres, tractions et réfections de pansement) sont effectués sur des tables d'examen au milieu du bloc opératoire. Les cas plus complexes, nécessitant un environnement "stérile", sont pris en charge dans la salle d'opération, séparée du bloc opératoire par des bâches et équipée d'une table et d'un matériel de base pour l'anesthésie. La plupart des anesthésies sont pratiquées à la Kétamine, ou en péridurale.

















L'organisation simple du bloc opératoire permet à deux chirurgiens de passer de table en table pour effectuer nos interventions. Nous sommes secondés par une équipe de cinq infirmières Haitiennes et deux infirmières-instrumentistes expats. Des aides de salle sont responsables d'amener les patients et de nettoyer les tables après chaque intervention.

































Cette première journée a donné le ton de ma mission et je réalise qu'elle sera difficile, parfois frustrante, mais indéniablement gratifiante...